Les Hommes célèbres

Le Docteur Guillaume Duchenne 1806- 1875 Médecin et Physiologiste

Combien y-a-t-il de Boulonnais qui savent que Guillaume Benjamin Duchenne est si célèbre dans le monde de la médecine et des sciences que l’on ne parle jamais du Dr Duchenne, mais simplement du Duchenne de Boulogne.

Il naît le 17 septembre 1806, rue Thiers, dans ce milieu austère de la Marine. Son père Jean-Pierre Duchenne est un corsaire, héros de l’empire, sa mère, Denise Lassalle est fille de patron de pêche.

Doué d’une intelligence vive, enthousiaste, généreux, il fait de brillantes études au Collège de Boulogne, et obtient à 19 ans son baccalauréat à l’Académie de Douai.

Naturellement, sa famille le destine à la Marine, mais attiré par les Sciences Naturelles, à la grande déception de son père, il se tourne vers la médecine il part pour Paris, et fait ses études sous la Direction des grands maîtres d’alors : Laënnec, Charcot, Velpeau, Dupuytren, Magendie entr’autres.

Il est passionné de recherche, mais la mort de son père l’oblige à revenir s’installer à Boulogne en 1831. Son savoir, son dévouement, sa bonté ne tardent pas à lui valoir une clientèle fidèle.

A la mort de sa femme épousée seulement 2 années plus tôt, il se tourne à nouveau vers ses études scientifiques ; dès 1833, il se livre avec passion à l’étude de l’électricité appliquée au diagnostic et à la thérapeutique, faisant des essais sur des patients complaisants.

Rapidement ce champ d’action ne lui suffit plus, il repart pour Paris en 1842. Il est tenace, il examine sans répit tous les malades atteints d’affection neurologiques. Petit à petit, il accomplit un travail scientifique considérable qui va faire de lui l’inventeur de l’électricité médicale et le père de la neurologie moderne.

Il publie de nombreux articles sur ces travaux qui concernent : –

–  L’utilisation de l’électricité (excitation électrique des nerfs dans les paralysies) – électrodiagnostic.

–  Les atteintes médullaires (moelle osseuse ou épinière), la sclérose en plaques.

–  Les maladies musculaires et neuro-musculaires ; il est le premier à décrire, 1868, la myopathie.

–  L’utilisation de la photographie pour les diagnostics (1852).

–  L’histologie (science des tissus des êtres vivants).

Comblé de gloire, le Docteur Duchenne consacre, néanmoins, le peu de son temps libre à recevoir chez lui les pauvres.

Il meurt le 17 septembre 1875, et ses obsèques sont célébrées à l’église Saint-Nicolas ; on peut encore trouver sa tombe au cimetière de l’Est.

L’humanité doit beaucoup à ce savant qui, par son intelligence et sa persévérance, a construit en grande partie la neurologie moderne.

 

Jean-François Souquet par Alphonse Lefebvre *

Né vers 1723, à Mourede dans les Hautes Pyrénées, où son père était notaire royal, Jean-François Souquet se fit recevoir le 12 décembre 1756. Docteur en Médecine devant la Faculté de Reims après avoir été Chirurgien-Major au régiment de Forest. Il vint alors s’établir à Boulogne où il fut autorisé à exercer le 20 juillet de l’année suivante. Bientôt, il s’y maria avec la descendante de nos vieilles familles bourgeoises (13.03.1759) et y acquis une charge (création nouvelle) de “Conseiller et Médecin du Roy au pays boulonnais”, ce qui l’aida à se former une belle clientèle. Quelques cures heureuses assirent sa réputation et le portèrent sur le pavois.

Peu après, la place de médecin pensionnaire de la ville et de l’hôpital devint vacante par le décès (3 octobre 1767) du titulaire Jean-Thimoléon Desmars. Il se présentera et fut admis d’emblée à remplir cette charge. A ce propos, j’ai fait remarquer, avec un certain étonnement, que dans l’acte d’inhumation de son prédécesseur, il prend d’avance, comme témoin, les titres et qualités de celui-ci. Pourtant, sa nomination officielle par l’Assemblée communale n’est datée que du 18 octobre et celle des administrateurs de l’hôpital seulement du 16. Il y avait donc là, je le répète, tout au moins un manque de tact évident, sinon une outrecuidance déplacée.

Quoi qu’il en soit, ses contemporains exaltent son zèle et son savoir. Nos archives communales mentionnent quelques uns de ses travaux. L’Académie et la société de Médecine de Paris ont enregistré plusieurs études signées de lui. Parmi ces dernières, il faut citer, outre ses communications sur les épidémies qui désolèrent le boulonnais, de 1771 à 1781 :

– Mémoires sur le traitement de la petite vérole (9 novembre 1784), suivi plus tard de “réflexions sur l’inoculation”.

– Observations sur une angine considérable (guérie sur lui-même) 18 décembre 1787.

Pour donner une idée de la pharmacopée, lisez Codex, de l’époque, je ne puis résister à reproduire la composition-du cataplasme que Souquet-plaça sur sa gorge d’un angle à l’autre de la-mâchoire inférieure.

“Je mis sur des étoupes, la pulpe de plantes émollientes que j’arrosais avec l’esprit volatil de sel ammoniac et saupoudrais, de suite, avec la poudre composée de celles de gingembre, de cannelle, de clous de girofle, de poivre, de noix de muscade et de mouches cantharides de chaque 24 grains, mêlées exactement ensemble : je versais sur le tout suffisante quantité d’esprit de térébenthine pour bien humecter et lier les poudres avec la pulpe”. Après une seconde application de remède, formidablement pimenté, le médecin était sauvé. Merci ! Mon Dieu !

– rapport sur le mouvement de’ l’hôpital militaire de Bougonne (au sujet d’une épidémie de fièvres dans le 10ème bataillon des volontaires du Pas-de-Calais) 18 août 1793.

De plus, la réponse à une question anatomique posée par l’académie d’Arras sur le “Rôle de trois membranes du cerveau” 15 novembre 1786.

Il s’occupa aussi d’une façon toute spéciale, notamment avec le Pharmacien Béthencourt, de l’analyse et de l’emploi des sources minérales de la région. Ses observations analytiques sur les eaux martiales froides de Boulogne sur celles de la forêt de Desvres, de Wierre-au-Bois, près de Samer et de Recques, canton d’Etaples, sont à consulter.

Le Docteur Souquet a publié à Boulogne, en l’an 2 de la République, un petit volume de 160 pages, qui rassemble la plupart de ses opuscules. Il est du devoir de l’historien de faire remarquer à cet égard, ainsi que le lecteur pourra juger en relisant ma causerie du 3 novembre dernier, que l’auteur a suivi de bien près les élucubrations de son prédécesseur, le médecin Desmars.

En effet, Desmars intitulait son ouvrage “Mémoire sur l’air, la terre et les eaux de Boulogne et de ses environs” Souquet, de son côté, prend pour titre “Essai sur l’histoire topographique : physio-médicale du district de Boulogne sur Mer” avec cette épitaphe d’Hippocrate : De aeribus acquis et locis.

Le premier s’était occupé de questions relatives à la situation topographique de Boulogne, de la constitution du sol, de la formation des falaises, du Haut et du Bas Boulonnais, des rivières, de la salubrité du climat, du grand nombre des vieillards, etc…

Le second traite de la position de la ville, de l’air salubre et de la longévité (avec une liste de centenaires morts ou vivants dans Boulogne et dans quelques, villages avoisinants). Il se lance également sur l’isthme qui nous relient à l’Angleterre, sur le Haut et le Bas Boulonnais, et il donne un extrait d’un “Mémoire manuscrit sur le Commerce et l’Agriculture du district, envoyé en 1783 à la Société nationale (alors on disait “Royale”) de médecine et d’agriculture de Paris” travail emprunté aux études des frères Delporte, de JE Henry et de Dumont de Courset. On a vu plus haut qu’il s’est aussi étendu sur la question des eaux, principalement sur celles minérales.

Il faut pourtant signaler, comme un complément bien intéressant, ses descriptions, fort exactes, de l’hôpital, des Casernes, de l’établissement des Bains de Cléry de Bécourt, ainsi que ses projets d’un pont de communication avec Capécure et de la canalisation de la Liane jusqu’à Samer.

Le petit livre du Citoyen Souquet est précédé d’une dédicace à la Convention Nationale d’où je détache le passage suivant qui est suggestif : “Qu‘il serait flatteur, citoyen Législateur, si vous accueillez favorablement l’esquisse simple du résultat des 46 années de veilles et d’observations d’un franc et ancien Républicain, qui s’unit au désir ardent du peuple et de la sublime République Française, pour vous engager fortement à rester constamment fermes dans les postes de la souveraineté, dont elle vous a confié le soutien, jusqu’à ce que vous l’aurez établie d’une manière solide et inaltérable.

Je me joins au zèle et à la fermeté éclairée du patriotisme de la Société Révolutionnaire et Populaire des Jacobins, et de celles qui lui sont affiliées : la nôtre, une des premières de ce nombre, y joue un rôle distingué, surtout depuis qu’elles sont encouragées et soutenues par le caractère constitutionnel dont vous les avez investies“.

Le Docteur Souquet s’était, il est vrai, fait inscrire comme membre à la société des Amis de l’Egalité. De plus, son nom figure au registre des dons patriotiques pour le dépôt d’une écuelle, 6 couverts, 2 cuillers, une paire de boucles, une cuillère à thé, une chaîne à ciseaux et une calotte de canne, le tout d’argent. Mais c’est là tout ce que je trouve comme preuves de son adhésion à la Révolution. Il était loin et déjà oublié le temps où Souquet se trouvait si bien en cour près de l’évêque de Boulogne.

Tout cela n’ôte de rien aux services que le médecin Souquet a pu rendre dans l’exercice de sa bienfaisante mission, et en même temps à notre histoire locale. Quoique étranger à Boulogne par sa naissance, il nous appartient, par ses études, son long séjour chez nous où il s’est marié, où il a fait souche et où il est décédé, à l’âge de 82 ans, le 21 ventôse an XII (12 mars 1804).

13 mars1754 (Paroisse St Nicolas) mariage entre François Souquet. Docteur Médecine âgé de 36 ans, fils majeur de Pierre Souquet, notaire royal, et de demoiselle Marie-Jeanne Durocher, d’une part, et demoiselle Marie-Jeanne Antoinette Coilliot, fille de feu Antoine Gabriel, négociant. et de demoiselle Jeanne Delpierre : en présence de J. Caviller, Jean Friocourt, Hamerel, Wyant, parents de la contractante.

 

* article paru dans la revue “la France du Nord” (1903) rubrique “les causeries du dimanche”.

article extrait du Sextant – Revue du Centre Hospitalier n° 28 de janvier 2000

Remerciements J. DEFER et Anne-Marie GLUCK pour leurs recherches et la rédaction de ces articles.